Texte : Yves Ottogali
Photo : Alain Ragu
2019
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Exercice Garuda 2019
Des Flanker indiens dans les Landes.
La sixième édition de l’exercice "Garuda*" s’est tenue sur la base aérienne 118 de Mont-de-Marsan du 1er au 12 juillet 2019, sous l’autorité du Lieutenant-colonel Antoine de l’Escadron de Chasse 2/30 "Normandie Niémen". "Garuda" s’inscrit dans le cadre des relations françaises avec les nations de la région indopacifique. Exercice tactique bilatéral franco-indien organisé depuis 2003, alternativement en France ou en Inde, celui-ci vise à améliorer le niveau d'interopérabilité des équipages des deux pays dans les missions de défense aérienne et d'attaque au sol. Pour rappel, en juin 2014, lors de la dernière édition, quatre Rafale du 3/30 "Lorraine", accompagnés par un C-135FR avaient été déployés sur la base aérienne de Jodhpur, dans la province de Rajasthan, au Nord-Ouest de l'Inde.
Cette année, le détachement de l’Indian Air Force (IAF) était constitué de quatre Su-30MKI en provenance du 15 Wing / 24 Sqn "Hunting Hawks" basés à Bareilly Air Force Station (AFS) et d’un Il-78MKI du 4 Wing / 78 Sqn "Battle-Cry" de Agra AFS. Le matériel et le personnel (plus d’une centaine de militaires) prirent place à bord de deux C-17A provenant du 28 Wing / 81 Sqn "Sky Lords", basé à Hindan AFS. Ayant décollé d’Inde le 26 juin, le dispositif indien se posa sur la BA118 deux jours plus tard, après avoir effectué une première escale aux Emirat Arabes Unis suivie d’une seconde en Egypte. Pour la dernière étape, au-dessus de la méditerranée, les Sukhoi furent ravitaillés par un C-135 français. L’Armée de l’Air engageait de son côté d’importants moyens, en plus de ceux de Mont-De-Marsan, puisque les bases aériennes de Nancy, Orange, Luxeuil, Avord, Orléans, Cazaux, Saint-Dizier et Istres étaient également mises à contribution en mettant à disposition des Mirage 2000D, Mirage 2000C, Mirage 2000-5, Rafale, Alpha jet, C-130, C-160, CN-235, C-135FR et un E-3F.
Les deux semaines de l’exercice ont été organisées en deux phases afin de permettre une évolution constante des missions. Deux vagues de missions étaient programmées quotidiennement. Une le matin, et la seconde l’après-midi ou le soir. Les premiers jours ont été dédiés aux classiques vols de familiarisation et à l’acclimatation des équipages indiens, incluant des vols de reconnaissance sur différents terrains du Sud-ouest. Cette première phase d’une semaine s’est conclue par des missions de combats aériens basiques "à vue" contre des Rafales (un contre un, un contre deux et deux contre deux). La deuxième semaine était dédiée à la réalisation de missions combinées de plus en plus complexe du type Large Force Employment (LFE). D’une durée de 1h30 environ, ces missions ont vu intervenir un grand nombre d’appareils (près d’une vingtaine) du côté des forces amies (blue air) et dans une moindre mesure du côté des ennemies (red air), le tout étant soutenu par un AWACS et un ravitailleur. A noter qu’à leur demande, les Indiens ne prirent part à ces missions qu’en tant que "blue air".
Suivie en direct depuis le centre de détection et de contrôle aérien de la BA118, chaque mission était placée sous l’autorité d’un chef de mission, "Airboss", assisté d’un Range Training Officer (RTO) pour chacune des deux équipes. Chaque RTO étant chargé de l’évaluation et de la validation en direct des tirs simulés de missiles air-air afin de retirer du scénario les avions "touchés". Différents types de tir missiles (Fox 1, 2 et 3) ont été considérés avec utilisation de trajectographie GPS afin d'en évaluer le résultat. Pilotes Indiens et Français ont ainsi pu s’entraîner à la défense aérienne, à la protection d’avions lents (avion de transport) et à l’attaque au sol, en effectuant des passes de tir virtuel sur le champ de tir de Captieux (seuls les équipages français effectuèrent des passes de tirs canon réels).
Les briefings et débriefing se tenaient conjointement dans l’amphithéâtre du "Normandie-Niemen". Les nombreux scénarii établis par les deux nations amenèrent les équipages français et indiens à préparer ensemble leurs missions pour ensuite privilégier le travail en patrouilles mixtes, le Mission Commander étant alternativement Français et Indien. Ces patrouilles mixtes (un Su-30MKI en leader et un Rafale en équipier ou inversement) permettaient de mieux appréhender les procédures et méthodes de travail de chacun. De plus, la présence des tankers a permis de croiser les expériences dans le domaine du ravitaillement en vol, Rafale/Il-78 d’un côté et Su-30/C-135 de l’autre. Dans le but de renforcer plus encore les liens entre nos deux pays, certains pilotes français eurent le privilège de voler en place arrière d’un Su-30MKI et il en fut de même pour quelques pilotes indiens sur Rafale B, qui, du même coup en profitèrent pour se faire une opinion plus précise sur le futur avion de combat de la force aérienne indienne…
Lors des débriefings, chaque mission était rejouée dans son intégralité grâce au logiciel de reconstitution TacView pour être ensuite commentée en direct par visioconférence avec les équipages provenant des autres bases aériennes impliquées. Lors des différentes interviews, très peu d’informations ont filtrés quant aux résultats des missions, à la qualité des équipages Indiens ou bien au sujet des capacités des Su-30MKI. Tout juste nous a-t-on confirmé que le Su-30MKI est un avion puissant et manœuvrant, mais lourd… L’inde volera dès septembre sur Rafale (36 commandés) ; à la question de voir avec l’exercice « Garuda », et les missions combinées Su-30MKI et Rafale, une opportunité à la préparation des équipages Indiens à l’introduction en service opérationnel de ce dernier, aussi par la mise au point de scénarios opérationnels du binôme Su-30MKI/Rafale, il nous a été répondu que ce n'était pas l'objectif de l’exercice...
* « Garuda », qui provient de la langue Sanskrit, signifie « aigle » et est aussi le nom d’un homme-oiseau de la mythologie hindouiste et bouddhiste.
Remerciement à l’Armée de l’Air et tout particulièrement au Sirpa Air, aux personnels du "Neu-Neu" et aux membres du détachement de l’IAF pour leur accueil. Cette journée d’information nous a permis, au-delà de beaux échanges, d’admirer la "bête" Su-30MKI ainsi que de constater la capacité des pilotes Rafale et Sukhoi de travailler ensemble dans le cadre de missions réalistes de haut niveau.