Texte : Julien Gernez
Photos : Julien Gernez & Alain Ragu
2021
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Escadron de Chasse 2/5 "Île-de-France"
Veiller, Instruire, combattre.
Protection de l’espace aérien français, engagement OPEX, formation des jeunes pilotes, missions « Red Air », participation à des exercices en France et à l’étranger, présentation tactique, voilà le quotidien des aviateurs de l’Escadron de Chasse 2/5 « Île-de-France ». Cette unité de tradition FAFL (Forces Aériennes Françaises Libres), dont les origines remontent au 340 « Free French Squadron » créé le 20 octobre 1941 par le Général de Gaulle, est le dernier escadron de l’armée de l’air et de l’espace à mettre en œuvre les vénérables Mirage 2000B et C RDI. Bienvenue au cœur d’une unité particulièrement sollicitée qui tourne à plein régime.
L’instruction en vol initiale :
Pour tout aviateur fraîchement breveté pilote de chasse et affecté sur Mirage 2000, le passage par la base aérienne 115 d’Orange est une étape indispensable dans son cursus de formation. Jusque-là, leur expérience du vol militaire se limitait à environ 350h de vol sur avion d'entraînement. Au sein du 2/5, ils vont franchir la dernière étape avant de rejoindre leur escadron opérationnel sur leur base d’affectation. La responsabilité de l’« Île-de-France » est d'assurer la transformation des jeunes pilotes issus de l’École de Transition Opérationnelle (ETO) de Cazaux ou de l’École de l’Aviation de Chasse (EAC) de Cognac sur Mirage 2000. Cet enseignement, appelé instruction en vol initiale, qui est dispensée uniquement par des pilotes instructeurs ayant le statut de chef de patrouille, vise à donner aux stagiaires les connaissances suffisantes sur le Mirage 2000 et à leur inculquer le B-A-BA du pilotage : tour de piste, voltige militaire, vol en formation, vol de nuit, vol sans visibilité et également vol TBA (très basse altitude).
En premier lieu, les jeunes stagiaires vont tout d’abord suivre un apprentissage théorique d’une dizaine de jours au sein de l’ETIS (Escadron Technique d’Instruction Sol) sur la base aérienne de Luxeuil. Durant ce laps de temps, les élèves vont emmagasiner une quantité impressionnante d’informations. Tout y passe, réglementations, communications, procédures, sécurité et bien sûr le Mirage 2000 dans ces moindres détails. En effet, grâce à une cellule de Mirage 2000 décortiquée, appelée « Cristal », et à des bancs dynamiques spécialisés, les circuits électriques et hydrauliques, commandes de vol, systèmes avioniques, électroniques, ergonomie cockpit, siège éjectable et réacteur n’auront plus de secret pour eux.
Ensuite, avant de débuter les vols, les jeunes pilotes vont réaliser plusieurs séances de simulateur sur les deux disponibles à Orange. Ces séances vont les accompagner tout au long de leur cursus, alternant simu’ au sol et missions en vol. Essentiellement centrée sur la maîtrise de la machine (le vecteur), la transformation est quelque peu adaptée en fonction de la future monture des stagiaires. Les futurs « muds » sur 2000D se verront ainsi proposer plus de vols orientés vers la mission Air/Air que les futurs Cigognes sur 2000-5 ; ceci afin de maximiser les expériences.
Peu à peu, les jeunes pilotes acquièrent de nouvelles connaissances, se familiarisent avec leur avion et se perfectionnent. Tout au long de leur cursus de formation, les stagiaires sont évalués et notés à chaque vol. Les résultats sont alors consignés au moyen de couleurs (chacune correspondant à une note) dans un tableau de progression appelé « Picasso ». Au total, une trentaine d'heures de vol, soit environ 25 missions, seront effectuées. Une fois le domaine de vol maîtrisé, au bout d’une dizaine de vols sur 2000B, parfois moins, un jeune pilote peut être lâché sur avion monoplace. Le cap du premier lâché solo sur 2000C reste toujours un temps fort pour les jeunes stagiaires. Cependant, ayant déjà effectué plusieurs lâchés solo depuis le début de leur formation d’aviateur, l’appréhension s’estompe au bénéfice de l’expérience.
Après quatre à six mois d’apprentissage, les stagiaires rejoignent enfin leur base d’affectation, Nancy sur 2000D ou Luxeuil sur 2000-5, afin d’y poursuivre leur formation spécialisée (Air/Sol ou Air/Air) et développer leurs compétences tactiques et techniques sur leurs systèmes d’arme respectifs. Ainsi, chaque année, environ une vingtaine de nouveaux stagiaires, tous français puisque le 2/5 ne forme plus de pilotes étrangers, sont accueillis au sein du 2/5 « Ile-de-France ».Ce départ ne signifie pas pour autant la fin de formation à Orange, car après une période de « mûrissement » en escadron opérationnel, les jeunes pilotes y reviendront afin d’entamer une nouvelle phase de leur formation : le ravitaillement en vol. Cette technique aussi exigeante qu’incontournable est indispensable pour pouvoir participer à des missions complexes sur de longues distances telles que celles réalisées en OPEX.
Le 2/5 en alerte :
24h/24h, 365 jours par an, l’armée de l’air est mobilisée dans le cadre de la permanente sûreté aérienne, plus généralement connue sous le nom de permanence opérationnelle (PO). Ce dispositif, qui engage plusieurs centaines d’aviateurs, a pour objectif de garantir la protection de l’espace aérien français contre toute menace, mais également de porter assistance aux aéronefs en difficultés. Plusieurs plots de permanence opérationnelle sont ainsi répartis sur tout le territoire national.
Sur la base aérienne 115, l’EC 2/5 constitue un maillon essentiel de cette protection en assurant la PO pour toute la partie Sud-est de l’hexagone. Deux Mirage 2000C et leur équipage sont ainsi maintenus en alerte H24 et 7 jours sur 7 depuis les locaux de la PO situés à proximité immédiate du seuil de piste. Pour les besoins de cette mission, les 2000 sont armés chacun de leurs deux canons DEFA de 30mm et de deux missiles Magic 2 à guidage infrarouge.
Afin de parer à toute éventualité, pilotes et personnels au sol se tiennent prêts à pouvoir intervenir dans les plus brefs délais. Grâce à une préparation minutieuse, dès que le signal de départ sur alerte retentit (départ « Scramble »), la mise en route, le roulage et le décollage s’effectuent en moins de cinq minutes. Une fois en vol, le pilote est alors guidé par le centre de détection et de contrôle (CDC) de Lyon-Mont Verdun vers la cible à intercepter.
Des 2000C au Sahel:
Depuis le mois de juillet 2015, deux Mirage 2000C et trois pilotes du 2/5 sont engagés au Sahel au profit de l’opération Barkhane qui vise à lutter contre les différents groupes terroristes au sein de la bande sahélo-saharienne. Ce déploiement sur la base aérienne projetée de Niamey, au Niger, a été nécessaire afin de compléter le dispositif aérien et de soulager les aviateurs de la 3e escadre présents sur place. Ainsi, depuis plus de six ans, ces spécialistes du combat air-air réalisent, aux côtés des Mirage 2000D, des missions de Close Air Support en appui des forces françaises.
Les 2000 monoplaces ont la capacité d’emporter des bombes Mk-82 lisses ou GBU-12 à guidages laser. Pour pouvoir tirer ces dernières, ils doivent cependant bénéficier d’une illumination laser de l’objectif. Pour cette raison, les 2000C évoluent constamment en patrouille mixte avec les 2000D qui eux sont équipés de la nacelle Damoclès. De son côté, le 2000C apporte une capacité de tir canon supplémentaire qui fait tant défaut aux 2000D sur le terrain ; défaut qui sera corrigé avec l’arrivée imminente des premiers 2000D RMV (rénovation mi-vie) équipés d’un pod canon. Le binôme 2000C et D travaillent ainsi de façon complémentaire. Représentant un bon compromis entre le Show Of Force et le tir d'une bombe, les deux canons de 30mm du 2000C sont particulièrement utiles lorsqu’il s’agit de réaliser une frappe précise au plus près des troupes amies, sans risque de dommages collatéraux.
À noter qu'au dessus du théâtre d’opération, les chasseurs n'emportent aucun Magic 2 pour leur auto-protection ; la menace aérienne étant ici inexistante.
Un « Red Air » de choix :
Bien que le 2000 RDI accuse son âge face aux chasseurs de dernières générations, couplé à la grande expérience chasse des pilotes du 2/5, il s’avère être encore un adversaire redoutable en combat aérien. C’est pourquoi, l’une des missions confiées à l’escadron est de jouer le rôle d’« Aggressors » afin de symboliser une force ennemie réaliste dans le cadre du maintien en condition opérationnelle des unités de chasse françaises, lors de l'entraînement quotidien ou bien à l’occasion d’exercices nationaux ou internationaux majeurs. Pour ces missions spécifiques, aussi appelées « Red Air », les 2000 d’Orange offrent une menace « émissive » de premier choix grâce à des performances particulièrement élevées (postcombustion, plafond de +50 000 ft) couplées au radar RDI. Comparés aux Alpha Jet de l’Escadron d'Entraînement 3/8 « Côte d’Or », spécialisé dans les menaces « Red Air », les 2000 représentent une menace d’un niveau bien supérieur. Pour cette raison, il n'est pas rare de retrouver ces deux types de chasseurs engager de façon complémentaire dans une même mission Red Air.
Le 2/5 se retrouve ainsi régulièrement intégré dans de grosses missions complexes de type COMAO lors d’exercices internationaux comme les TLP (Tactical Leadership Programme) en Espagne ou comme, tout récemment, lors d’Atlantic Trident à Mont de Marsan qui aura vu les 2000 faire face à une force Blue Air constitué de Rafale, Typhoon et F-35.
Gusto Tactical Display :
Cette année, et à l’instar des Requin Mike de Mont de Marsan, des Maraud Fox de Luxeuil, des Couteau Delta de Nancy, des Vautour Bravo de Saint-Dizier ou des Mustang X Ray de Cognac, le 2/5 a lui aussi le privilège de disposer de sa propre démonstration tactique à deux appareils. Ces équipes temporaires ont été créées afin de montrer au public les missions et capacités des unités et personnels de l’armée de l’air. Côté 2/5, cette patrouille baptisée Gusto Tactical Display présente deux Mirage 2000 en configuration Fox (un unique bidon ventral) lors d’une démonstration dynamique de 12 minutes. Après Salon-de-Provence en juillet, Melun en septembre et Gap en octobre, les Gusto seront encore visibles, cette année, lors du 80ème anniversaire de l’« Île-de-France » qui aura lieu le 14 octobre prochain sur la BA115.
… et après ? :
Après presque quarante années au service de la France, les jours des Mirage 2000C de l’armée de l’air et de l’espace sont aujourd’hui plus que jamais comptés. En juin 2022, l’ « Île-de-France » sera mis en sommeil en attendant sa possible réactivation sur Rafale, laquelle ne devant pas intervenir avant 2023/2024. Les treize derniers monoplaces seront alors retirés du service, tandis que les sept biplaces encore en ligne seront transférés vers l’EC 2/3 « Champagne » qui a repris à son compte la formation des équipages 2000D après la dissolution de l’EC 4/3 « Argonne » en mai dernier. À la mi-2022, les « Muds » du 2/3 reprendront donc à leur compte la formation de l’ensemble des équipages Mirage 2000, incluant également la formation des futurs «chasseurs aux yeux bleus» des Cigognes sur 2000-5.
Un très grand remerciement au personnel de la cellule communication de la BA115, au Sirpa Air ainsi qu’au 2/5 « Île-de-France » pour cette journée immersive, très enrichissante et passionnante ainsi que pour votre accueil chaleureux et votre disponibilité. Merci également aux Gusto qui nous auront coaché et auront su répondre à toutes nos questions.